vendredi 25 janvier 2008

Arrivée à Vevey

Vous le savez peut-être, peut-être pas...

Depuis le 14 janvier, j'habite en Suisse, dans le canton de Vaud, à Vevey, riante bourgade des rives du lac Léman. Toutes ces précisions sont importantes car la vie suisse est rythmée par trois échelons: l'Etat fédéral, le canton et la commune.

Pour vous donner une idée, Vevey c'est en face de Saint-Gingolph d'Evian les Bains, entre Montreux (le fameux festival de jazz) et Lausanne. Une chance, Vaud est l'un des cantons francophones. L'adaptation linguistique n'est donc pas trop dure, quoique... Il existe des expressions toutes locales qui nécessitent une traduction, histoire de bien comprendre. Et il paraît que j'ai un accent. Etrange. J'évite de dépasser les chiffres 69, 169... (ici, aucune blague salace) : au delà le système de numération suisse n'est plus compréhensible pour le Français moyen. Et ce n'est pas l'unique difficulté. Connaissez-vous Chexbres ? Et comment ça se prononce ?

Première semaine, arrivée à mon nouveau boulot. J'ai l'impression d'être passé dans un lave-linge géant puis un "grinder", et il paraît que la "séance de lavage de cerveau" n'a pas encore eu lieu. L'accueil était formidable: visite des lieux, RV avec les RH pour préparer badge -ça y est, ma photo est sur l'intranet- et demande de permis de travail, rencontre de mes (nombreux) collègues. Je n'aurai pas trop de difficulté à m'habituer à la cantine, un véritable restaurant. On y mange vraiment bien, et la vue sur le lac est superbe. Puis l'après midi, RV pour mon studio provisoire (dégoté par le boulot), presque mieux équipé que chez moi : il y a un four ! Cadeau d'accueil: quelques produits maison pour deux-trois repas et p'tit déj. Pas besoin de faire des courses en urgence le soir de mon arrivée. Et je vais bénéficier d'un service de relocation pour la recherche d'un appart définitif. Chouette chouette chouette!!! Autre surprise dès mon arrivée: fourniture d'un portable (et tous les logiciels fonctionnaient dès le départ, connections outlook, internet...) Ca doit être l'efficacité helvète.

Gros problème, ce *$^%§# de clavier QWERTZ suisse au bureau... Peut-être que dans deux mois, mes reflexes de frappe seront bi-clavier, en fonction de l'ordinateur que j'utilise ! Une nouvelle forme de diversité. Ca aussi c'est l'Europe (et juste pour l'anecdote, mon clavier de portable est un AZERTY belge qui présente de subtiles différences avec l'AZERTY français, à terme je serai donc tri-clavier !). Tout ça pour dire que le clavier suisse représente une véritable épreuve pour les doigts véloces.

Le matin, en sortant de chez moi, vue sur la montagne, les sommets enneigés, les écharpes de brume. Tous les jours ça change d'aspect. C'est absolument majestueux. En s'approchant du boulot, rebelotte avec le lac: le siège est sur le bord du Léman. Dix minutes à pied pour aller au travail. Génial. Visiblement l'association sports et loisirs est très active: une 30aine de clubs différents, autant d'activités pour s'occuper et rencontrer du monde. Très alléchant tout ça, d'autant plus que je ne connais personne sur place !

Quoi d'autre ? J'ai contacté une chorale veveyse -- je crois que c'est comme ça que sont désignés les habitants de Vevey. Il fait bien insister sur le y qui, rappelons-le, a normalement la valeur de deux i. Prononcé dans le coin, ça donne "vevèise". Ma candidature semblait intéresser le président de l'association: la chorale manque de ténors. Mais ce n'est que le début du parcours du combattant. D'abord: approbation du conseil d'administration (eh oui, on est en Suisse, même les associations musicales ont un CA), puis audition par le chef de chœur pour vérifier quel sera mon pupitre. Un minimum d'assiduité me permettra ensuite de pouvoir prétendre à une adhésion pleine et entière, en espèces sonnantes et trébuchantes je suppose.

Autres activités: me sortir du labyrinthe administratif suisse. Importation de la voiture, contrats d'assurance divers et variés, initiation au système bancaire suisse et ouverture de compte chèque (ça y est !), obtention de permis de séjour. En tant qu'Européen patenté, j'ai droit à un permis B "CE", soit 5 ans de résidence. Après je pourrai demander un permis C, c'est-à-dire définitif, "le plus proche de la citoyenneté suisse" m'a-t-on affirmé, ou, en d'autres termes, presque tous les avantages sans les principaux inconvénients. J'ai voulu demander une attestation de domicile à mon bailleur. Réponse: seul l'Office de la population (service de la mairie) est habilité à délivrer ce genre de document. Et dans mon cas particulier, il faut que je passe par le service des étrangers. Oui, nous sommes une espèce bien surveillée. Une cagnotte pour la commune, ce bout de papier coûte 10 CHF !

Le plus difficile reste de s'habituer à arriver tôt au boulot (vers 8h30 au plus tard) et à partir tôt (pas plus tard que 18h30, après c'est vraiment tard me disent mes collègues). Autre nouveauté: je pointe ! Donc finalement, mes 41h30 hebdomadaires ne me changeront pas de """35 heures"""" à la française. En cas de dépassement: récupération (un p'tit parfum de RTT ça), ça s'appelle le flexitime; autant de vacances qu'en France et plus de jours fériés. La Suisse serait donc presque le rêve.

En fait, le départ tôt le soir, c'est surtout pour pouvoir faire quelques courses : tous les commerces ferment vers 18h30 19h00. Vingt heures, c'est une nocturne ici ! Et la raison de cette fermeture presque matitudinale: les horaires des commerces sont définis par décision de la commune... On en vient à oublier ses petits soucis de boulangerie fermée le dimanche matin à Lyon 1er.

Enfin, pour les amateurs de tri sélectifs, j'ai l'impression que la Suisse est un paradis... ou un enfer pour les autres ! Il faut séparer les bouteilles PET du papier et du carton, les boites métalliques des bouteilles en verre. Bien sûr, les piles, le matériel électrique et les vêtements ont leurs propres containers. Le reste, ça s'appelle "incinérable".

Et voilà pour ces premières nouvelles... Une bise aux dames et à bientôt sur le Net.

samedi 12 janvier 2008

Grand départ

14h00. Ça y est, j'ai bouclé mes bagages, coupé l'eau et le gaz, purgé les radiateurs. Trois valises pour ma première semaine "d'expatriation". Une pour les costumes, une pour les autres vêtements (la bleue, celle qui m'a suivi au Togo, au Kenya et pas mal d'autres voyages) et la dernière: chaussures, linge de toilette... Bon, ça fait beaucoup, mais j'en profite aussi pour commencer mon déménagement. Plus la besace que m'a donné Nathalie et un sac à dos pour le PC portable.

Je réalise que pour la première fois, de ma propre initiative, je quitte la France pour plus que de simples vacances. Certes Vevey n'est pas le bout du monde, mais c'est déjà hors Union européenne. Tous les "privilèges" dont je jouis sans trop y penser, en tant que Français en France, vont être remis en question, enfin presque. Certes je reste en zone francophone. Certes Lyon, cette ville que j'aime tant, n'est qu'à trois heures de train. Certes je reste en Europe. Mais il n'en demeure pas moins que j'ai pris cette décision de quitter mon pays. Peut-être un éloignement qui me fera du bien.

14h00 donc. Un coup de fil au taxi pour m'emmener, avec mon déménagement de Guignol, vers la gare. Quelques gouttes d'eau aux plantes. Je reviendrai les chercher la semaine prochaine. J'essaie de joindre ma sœur. Impossible: ni son fixe ni son portable ne répondent. Je m'inquiéterai plus tard si je n'ai pas de nouvelles.

Le chauffeur de taxi est un petit homme, menu, la cinquantaine. Son accent trahit son origine portugaise. Il ne cherche pas à engager la conversation, ce qui m'arrange bien. Je préfère regarder Lyon par la fenêtre et écouter la radio. A l'antenne, une jeune femme raconte les six premiers mois de son périple autour du monde en solitaire. Elle a tout lâché pour partir, un an. Beau courage!

Pendant que le chauffeur chargeait mon coffre, j'ai couru vers la boîte aux lettres, au bout de la rue du Bon Pasteur, pour y glisser deux trois courriers. Parmi eux, le solde de tout compte du Cabinet, reçu le matin même. Ça y est, j'ai vraiment quitté Pl... Une page s'est tournée et à moi d'écrire, d'inventer les suivantes.

Arrivé à la gare, direction le quai. Je me faufile tant bien que mal entre les voyageurs, vacanciers, skieurs, touristes, avec mon bazar. Je m'installe, donne un coup de main à ma voisine pour charger sa valise sur le porte-bagages. Le train s'ébranle. Rapidement, nous sortons de Lyon et tout aussi rapidement, la campagne blanchit. C'est la première neige que je vois de l'année... Entre la blancheur, calme et un peu irréelle, et la lecture du journal, l'envie me prend d'écrire ces quelques lignes. Peut-être pour me rassurer. J'ai encore tenté de joindre Nathalie, sans succès.

Je comprends Emilie, du moins en ai-je l'impression, quand elle nous livre ses récits de voyages en Australie. Peut-être tient-elle aussi un journal de bord. Il faudra que je le lui demande.

17h36. Je suis dans le train Interregio direction Vevey. De jour, on peut voir les vignes qui s'agrippent aux bords du lac léman. La nuit tombe, le paysage s'éteint. Plus tard, j'apprendrai que la région compte trois soleils: l'astre, le lac qui le réfléchit, et les murs des vignes en terrasses, qui, le jour, en absorbent la chaleur et la restitue la nuit. Dans le train, les annonces se font en français, allemand et anglais. La Suisse est un pays cosmopolite, jusque dans les trains.

Sur le quai, il n'y avait ni contrôleur ni sifflet. Simplement une voix désincarnée qui annonce les arrivées, les départs, les destinations, les horaires. A la place du plan de quai auquel m'a habitué la SNCF, du moins pour les TGV, la voix annonce également sur quelles portions du quai se trouveront les wagons de 1ère classe. La 2nde, qu'elle se débrouille! Curieux comme je n'avais pas remarqué ces petits détails lors de mes précédents voyages vers Vevey.

Les Suisses doivent pratiquer le vélo régulièrement: tous les trains que j'ai vus passer possèdent plusieurs compartiments pour les cycles. Dommage que la SNCF ne les propose pas, ou seulement rarement. Dans le wagon, j'entends du français, de l'allemand, de l'italien, de l'anglais, du néerlandais. Vive l'Europe!